Noël approche, et Londres retourne sous cloche. Le sud-est du Royaume-Uni revient ce dimanche sous le régime du confinement avec l’interdiction d’aller passer le réveillon hors de la zone d’alerte maximale, l’interdiction de voyager à l’étranger et une fermeture de tous les commerces non essentiels.

La raison de ce nouveau tour de vis, alors que le pays est sorti début décembre seulement de quatre semaines de confinement ? Une nouvelle forme du virus, annonce le Premier ministre, Boris Johnson. Les cas de contamination s’envolent, «causés par une nouvelle variante du virus» qui «semble se répandre plus facilement et pourrait être jusqu’à 70% plus contagieuse que la souche précédente», a justifié samedi le chef du gouvernement britannique. «Ça se répand très vite en ce moment.»

La thèse d’une mutation plus contagieuse du Sars-CoV-2 est soutenue par le médecin-chef de l’Angleterre, Chris Witty, qui affirme selon CNN que la nouvelle version du virus est responsable de 60% des infections à Londres, où le nombre de nouvelles contaminations a doublé cette semaine. Le haut responsable rapporte que des travaux sont lancés «en urgence» pour établir si la mutation du virus peut entraîner un taux de mortalité plus élevé, ou si elle affecte l’efficacité des traitements et des vaccins.

Emergence au Royaume-Uni

En effet, le plus urgent est sans doute de mieux comprendre le sujet, avant d’affoler la population en désignant cette variante responsable de la flambée des infections à Londres. Un article publié mercredi dans le British Medical Journal, une publication scientifique de référence, rappelle qu’on n’a aucun moyen aujourd’hui d’établir un lien de cause à effet.

Il y a bien une nouvelle variante du Sars-CoV-2 en circulation active au sud-est du Royaume-Uni, qui diffère du virus «modèle» en 17 points et qu’on a surnommée VUI-202012/01 (soit la première «variante sous investigation» de décembre 2020). Elle a été repérée par un consortium britannique (COG-UK) qui étudie, depuis des mois, le génome des coronavirus parmi des échantillons de tests positifs à travers tout le pays pour identifier ses variantes et leur répartition géographique. «Aucune donnée ne suggère que cette mutation a été importée depuis l’étranger, donc elle a probablement émergé au Royaume-Uni», note Nick Loman, professeur de génomique microbienne à l’université de Birmingham.

Corrélation, pas causalité

Au 13 décembre, 1 108 cas de contamination par la variante VUI-202012/01 avaient déjà été identifiés au Royaume-Uni, ce qui est beaucoup pour des échantillons pris au hasard et suggère, par extrapolation, qu’elle concerne désormais une grande proportion de malades. Ces cas confirmés sont majoritairement situés dans le sud-est du pays, mais ont atteint récemment de nouveaux territoires, dont le pays de Galles et l’Ecosse.

Peut-on pour autant conclure que la nouvelle mutation est plus contagieuse que le «vieux» Sars-CoV-2 ? Sûrement pas, insiste Nick Loman : «Cette variante est fortement associée avec les lieux où on voit une hausse des contaminations. C’est une corrélation, mais on ne peut pas dire que c’est une cause.»

D’ailleurs, le ministre britannique de la Santé, Matt Hancock, ne disait pas autre chose le 14 décembre à la Chambre des communes : la variante «peut être associée» à la hausse des cas. Il semble donc que ce soit Boris Johnson qui ait pris la liberté de transformer la corrélation en causalité dans son discours de ce week-end pour justifier le reconfinement.

Rien ne permet de savoir non plus si la nouvelle variante britannique est susceptible d’être plus ou moins dangereuse ou grave que les autres. Des études sont en cours pour essayer de le déterminer. Bref, la seule chose dont on est sûrs, résume Nick Loman, c’est que les infections augmentent vite autour de Londres et que cette variante se répand vite. C’est une raison suffisante pour la surveiller comme le lait sur le feu.

Réajuster les vaccins

Les mutations font partie de l’évolution naturelle des virus. Elles apparaissent de temps en temps, certaines subsistent, d’autres s’éteignent et rares sont celles qui affectent le comportement du virus. «Des milliers de mutations ont déjà émergé, et la vaste majorité n’a aucun effet sur le virus mais peut être utilisée comme un code-barres pour surveiller l’épidémie», a expliqué la microbiologiste Sharon Peacock, directrice du consortium COG-UK. Rien que sur les protéines Spike, ces épines qui enveloppent le virus et lui permettent de se fixer aux cellules humaines, on dénombre actuellement environ 4 000 mutations.

La protéine Spike est aussi la cible des vaccins en cours de développement. Il serait donc gênant que les épines du coronavirus soient tellement transformées par les mutations successives qu’elles finissent par échapper aux vaccins. Mais on a de la marge : les vaccins visent plusieurs endroits distincts des Spike. Il faudrait que tous ces endroits deviennent méconnaissables pour que l’efficacité soit annulée. Si cela doit finir par arriver, au fil des mois et des nouvelles mutations, alors il faudra réajuster les vaccins anti-Covid comme on réajuste les vaccins antigrippaux chaque année. Sharon Peacock garantit que si l’on voit, un jour prochain, un cas de réinfection au Covid chez un patient vacciné«son cas sera traité en haute priorité pour le séquençage génétique» afin d’adapter les vaccins le plus vite possible.

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