Et Macky «tua» Amadou Bâ pour exister (Par Ibrahima ANNE)

A l’inverse de l’axiome freudien, on est bien en face d’un «père» qui devait sacrifier le «fils» pour exister et préparer sa retraite. Si vous pensez à la relation complexe Macky Sall-Amadou Bâ, c’est que vous avez tout compris. Il n’aura, en effet, échappé à personne que Amadou Bâ avait deux adversaires de taille: l’opposition et son propre parti, l’Apr, à travers son président fondateur. Pour l’opposition, c’est une évidence. Ce qui l’est moins, c’est que,

Il y a ensuite que la procédure de sélection de Amadou Bâ défie tous les standards démocratiques même si Macky Sall, titulaire de la «carte blanche» et Moustapha Niasse, son délégataire, ont tenté d’y mettre les formes. En lieu et place de primaires ouvertes, on a ainsi assisté à un choix presque imposé. La conséquence ne s’est pas fait attendre. Dès le prononcé du verdict, Aly Ngouille Ndiaye, un des poids lourds de la Majorité, annonce sa démission du gouvernement, puis, dans la foulée, sa candidature à la Présidentielle. Il sera imité par l’ancien Premier ministre, Boun Abdallah Dionne, et par Mame Boye Dia. Abdoulaye Daouda Diallo tergiverse un moment puis finit, en bon stratège voulant sauver son fauteuil de Président du Cese, de rentrer dans les rangs. Mame Mbaye Niang taille plus de croupières au candidat de Benno que toute l’opposition réunie. Macky Sall à qui il ne restait que quelques mois de présidence perdait de plus en plus d’autorité sur ses troupes dont certains contestent ouvertement ses ordres. Pendant la pré-campagne, il n’a posé aucun acte allant dans le sens de soutenir «son» poulain. Au contraire, il donne même l’impression de la torpiller en encourageant ses députés à soutenir le Pds qui initie une demande de mise en place d’une commission d’enquête parlementaire aux fins de faire la lumière sur une corruption présumée de juges constitutionnels dont…Amadou Bâ serait l’auteur. On tombe des nues. Macky Sall qui ne s’arrête pas en si mauvais chemin, reporte les élections jusqu’au 15 décembre. Le Conseil constitutionnel se braque, annule le report et lui demande de fixer une date. Macky fonce dans le dilatoire et tient un Dialogue -boycotté par les candidats de l’opposition- qui lui propose le 2 juin, soit deux mois après la fin officielle de son mandat. Enième revers devant le Conseil constitutionnel. Finalement, c’est coincé qu’il se résout à convoquer le corps électoral pour le 24 mars. Et c’est à une semaine de la fin de la campagne proprement dite qu’il lâche les brides à ses responsables en leur demandant de soutenir Bâ dont il a, à l’étape de Tivaouane, interrompu la tournée pour le faire venir à Dakar. C’est au même moment qu’il daigne libérer les fameux fonds de campagne.
Tout ce charivari et tous ces atermoiements sont mis au passif du pouvoir et de son candidat. Sans compter le fait que, tous les contrecoups des douze ans de la présidence Sall, c’est Bâ qui les a pris en pleine tronche. Autant de bons points pour l’opposition et particulièrement pour l’ex-Pastef dont le candidat, Bassirou Diomaye Faye, et sa doublure, Ousmane Sonko, sont élargis de prison à la faveur d’une loi d’amnistie. Dans une posture altruiste doublée d’une fine intelligence politique, Sonko, frappé de non-éligibilité, au lieu d’appeler au boycott comme c’est souvent le cas en Afrique, choisit sa doublure. Leur campagne à deux draine des foules et fait mouche. Elle neutralise les derniers espoirs de Amadou Bâ qui fondent davantage comme beurre au soleil quand les Wade, revanchards contre lui, appellent à voter pour Bassirou Diomaye Faye. Ils n’auront pas été d’un grand apport dans la victoire de Diomaye mais ont su se mettre juste du bon côté du vent.

Dans les habits de Monsieur Loyal, Amadou Bâ éconduit ceux qui flairent un manque de soutien de la part de son mentor. Mais, c’est peut-être juste de la cosmétique langagière (rafétal) face caméra. Hors antenne, il doit se dire que Macky Sall a été le seul et unique artisan de sa défaite. A quelles fins ? D’aucuns pensent à une envie existentielle de redorer son blason, notamment à l’international, et de ménager ses arrières et ceux de ses proches après douze années d’une présidence pleine de tumultes. Et Amadou Bâ aura été l’agneau du sacrifice. L’infanticide parfait ! Ce pourrait être le titre d’un film d’horreur. Avis aux scénaristes !

Par Ibrahima ANNE

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